Les évènements qui vont suivre se sont déroulés durant le mois de décembre 1977, sur la nationale 90 près de la commune de CHAPEREILLAN (Isère). Par la suite, les médias locaux s'emparèrent de cette histoire.
La nuit était noire et sans étoiles.
Des trombes d'eau s'abattaient sur le pare-brise du 38 tonnes dont les phares crevaient l'obscurité.
Cédric se morfondait sur sa condition.
Il était là, derrière son volant, à quelques heures de la veillée de noël avec pour seule compagnie son autoradio.
Le véhicule arpentait une nationale bordée de forêt quand la musique qui emplissait la cabine fut remplacée par un bruit de parasites.
Le routier se pencha quelques secondes sur l'appareil en jurant sur la fiabilité du matériel mis à sa disposition par son employeur.
Il actionna le bouton de balayage automatique des stations mais après deux analyses de la bande aucune n'était jugée assez audible pour être sélectionnée par le système.
Après une série d'injures copieusement adressée à son autoradio, l'attention de Cédric fut attirée par une ombre qui se dessinait sous la pluie.
Une personne était postée sur le bas côté, immobile.
« Mais qui est assez débile pour se foutre sous la flotte en pleine forêt ! » s'interrogea Cédric.
Le véhicule ralentit et pour s'immobiliser près de cette silhouette.
Cédric ouvrit la portière passager et constata la présence d'une jeune femme, grelottant sous le déluge.
« Montez Madame ! » Hurla le chauffeur pour couvrir le bruit de la pluie.
Elle ne se fit pas prier, et aidée de la main tendu du routier elle se hissa dans la cabine.
Elle s'installa près de la vitre et se blotti contre la portière.
« Mettez-vous cela sur le dos, vous allez attraper froid. », dit Cédric à la jeune femme en lui tendant son blouson.
Sans un mot, elle saisi d'un geste délicat le vêtement que lui tendait le jeune homme pour s'en vêtir.
« Comment puis-je vous appeler ? Demanda Cédric à sa passagère tout en reprenant la route.
- Mélanie. Répondit la jeune femme dans un souffle presque imperceptible.
- Que faisiez-vous ici, seule sous la pluie ? »
Elle ne répondit pas et conservait ses yeux rivés sur la route.
Elle était jeune, peut-être âgée d'une vingtaine d'années.
Elle ne portait que pour vêtement une robe blanche et une paire de souliers du même blanc immaculé.
Cédric ne voulu pas insister sur les évènements qui l'ont conduite à se trouver là, dans cette accoutrement et sous une pluie battante.
« Où doit-je vous conduire ? Poursuivit-il. »
Sans ne jamais lâcher des yeux la chaussé humide qui scintillait sous la balayage des phares du camion, elle lui indiqua le chemin.
Plus tard Cédric raconta que l'atmosphère était étrange dans la cabine.
Il expliqua sentir la présence de cette jeune femme qui sanglotait recroquevillée sur elle mais qui par son mutisme refusait de lui livrer ses malheurs.
Par pudeur, il évitait de la regarder car sa robe imbibée par la pluie lui moulait les reliefs de son corps.
Une dizaine de minutes passées, Cédric stoppa son véhicule face à l'adresse indiquée par Mélanie.
Elle salua sobrement son chauffeur, ouvrit la portière et doucement remonta l'allée du pavillon.
A hauteur de la porte d'entrée, elle se retourna et fit un signe de politesse à Cédric.
Il reprit la route, et termina sa mission initiale.
Quelques jours plus tard, arpentant au volant de son camion le même itinéraire, Cédric cherchait un prétexte pour se présenter au domicile de Mélanie.
Finalement, il se remémorant lui avoir prêté son blouson et que ce dernier se trouvait toujours près d'elle.
Il eu un léger sourire.
Peut-être allait-il enfin comprendre pourquoi cette jolie jeune femme grelotait transie de froid sur la bas côté.
A hauteur du pavillon, il descendit les marches de son poids-lourd.
Il se présenta au portail où il avait laissé Mélanie s'éloigner vers la demeure. Cédric hésita quelques secondes avant d'appuyer sur le bouton de la sonnette.
Après un bref instant, la porte s'ouvrit et un vieille homme se présenta jusqu'à la clôture.
« Que puis-je pour vous ? Interrogea le vieillard. »
Le routier débuta par quelques cafouillis, mal à l'aise, puis se lança à relater les évènements qui l'avaient conduit ici.
Le vieux monsieur resta muet puis comme emprunt d'une seconde jeunesse couru allègrement à son domicile pour revenir quelques instants plus tard aussi promptement qu'il était parti.
« Est-ce elle que vous avez vu cette nuit là ? » dit-il à bout de souffle.
Le vieillard présentait à Cédric une photographie vieillie par les années. Cédric reconnu sans mal sa passagère d'un soir.
Il acquiesça timidement de la tête. Le vieille homme sombra en larmes.
« Venez avec-moi. » demanda-t-il entre deux sanglots.
L'homme conduit Cédric à quelques pas de là, au cimetière communal.
Ils marchèrent dans les allées pour se stopper devant un caveau.
Deux noms y étaient gravés suivi de l'épitaphe 'A ma fille et à mon épouse. Je vous aime et ne vous oublierais jamais. »
Céline était morte le soir de sa vingtième années, dans un accident de la circulation survenue à l'exact endroit où Cédric l'avait recueillie.
Ce soir là, sa passagère aurait fêtée ses quarante ans.
Sa mère qui résistait courageusement à un cancer n'accepta jamais la mort de sa fille.
Elle abandonna le combat qu'elle livrait contre sa maladie qui l'emportait durant les mois suivants.
Cédric restait bloqué sur la photographie qui ornait le caveau.
Il ne faisait aucun doute qu'il s'agissait de la même personne.
Il était paralysé, figé d'incompréhension.
Si bien qu'il ne perçu pas tout de suite que son blouson, celui qu'il avait remis à sa passagère, était accroché sur un coin du caveau.
Il quitta le cimetière laissant seul le vieille homme qui pleurait au miracle.
Cédric conserva ces évènements enfouis en lui durant quelques mois avant de commencer à en parler.
La gendarmerie s'intéressa aux faits.
Le vieille homme était interrogé et persistait à déclarer qu'il s'agissait d'un miracle et qu'aujourd'hui, il savait que sa femme et sa fille l'attendaient, quelque part...